i don't ever wanna let you down. (r)

cosme + dario.
It's time to begin, isn't it?
I get a little bit bigger, but then I'll admit
I'm just the same as I was
Now don't you understand
That I'm never changing who I am

Si Cosme n'avait pas été son ami depuis l'enfance, il ne serait jamais venu. Il y avait deux choses que Dario craignait dans la vie : les vestes trop cintrées et l'engagement à long terme. Alors quand Cosme lui avait proposé – imposé, même – de l'accompagner à un essayage de son costume de futur marié, il avait voulu inventé un prétexte pour s'éviter la torture de voir Cosme irradier de bonheur dans sa panoplie du gendre parfait, sourire colgate et air béat inclus. Ce n'était pourtant pas la jalousie qui le rongeait – le mariage n'avait jamais fait partie de ses projets – mais l'inquiétude. C'était stupide, hein ? Mais il avait peur. Peur de le voir sortir de cette cabine d'essayage changé en un autre homme, un autre Cosme qui n'aurait plus rien de celui qu'il aurait connu toute sa vie. Le temps filait si rapidement, et il n'avait pas su le voir. Etaient-ce les gens autour qui grandissaient trop vite, ou bien lui qui ne parvenait pas à franchir le pas ? Quand il écoutait Cosme parler de son mariage, il avait la sensation d'être passé à côté de quelque chose. Il aurait tellement voulu pouvoir se réjouir entièrement pour Cosme, d'autant plus que son ami semblait bien décidé à l'impliquer dans les préparatifs jusqu'au bout. Et Dario se sentait coupable. Cosme était son plus vieil ami, comment pouvait-il penser que sitôt marié, il l'oublierait ? Avec du recul, la pensée lui semblait idiote. Mais il ne pouvait pas s'en empêcher, et il se mordillait nerveusement la lèvre tandis qu'il attendait son ami. Et pour ne rien arranger, ses récents déboires avec Alceo, puis son agression commençaient sérieusement à faire déborder son réservoir émotionnel. Bien sûr, certaines personnes étaient au courant, mais Cosme... Ce n'était pas la même chose. La façon dont il l'avait questionné la dernière fois au pique-nique nocturne avait fait prendre conscience à Dario que bientôt, ces explications évasives ne suffiraient plus. Des centaines de fois, il avait imaginé comment le dire à Cosme. Des centaines de fois, il s'était trouvé ridicule. Pourquoi Cosme aurait-il eu besoin de savoir, de toute façon ? Sa vie sentimentale était un désastre de bout en bout et il ne voulait même pas penser à l'éventualité de prononcer le nom d'Alceo à voix haute face à son ami. Et malgré tout, cacher quelque chose de cette importance, cacher cette part de lui à Cosme, ça le tuait. Vraiment. Car il se rendait compte qu'une partie de leur amitié n'était pas sincère dans tout ça. Il avait menti pendant toutes ces années, et aujourd'hui, le prix à payer était plus douloureux qu'il ne l'avait pensé. Poussant un long soupir, Dario s'enfonça dans le canapé et ferma les yeux. Il avait besoin de ne plus y penser. D'occulter la réalité, un peu, juste un peu. Il se trouvait idiot d'être aussi tendu. Qui se mariait, ici, à la fin ? Rouvrant les yeux, il se redressa et décida qu'il avait assez attendu le futur marié – et assez pensé pour le reste de la journée. « Bon Cosme, tu te montres ? » finit-il par lancer dans le vide, s'efforçant d'être enjoué, tandis qu'il jouait nerveusement avec son portable, évitant soigneusement du regard les multiples costumes et robes qui l'entouraient, comme pour lui rappeler tout ce pourquoi il n'était pas fait.

C'était déjà le sixième costume qu'il essayait. Mais cette fois-ci, ça semblait être le bon. Du moins c'était la sensation qu'il avait en se regardant dans le miroir. Il contempla son reflet de longues secondes, réalisant un peu plus que son mariage approchait à grands pas et qu'il allait sauter le pas. Depuis qu'il avait rencontré Maia, c'était une évidence pour lui mais l'imminence du moment le rendait un peu nerveux, se prenant même à douter parfois, le temps de quelques secondes, lors des divers préparatifs. Est-ce qu'il n'était pas en train de faire une erreur comme certains de ses amis pouvaient lui répéter ? Même Dario ne semblait pas convaincu mais Dario était quelqu'un d'assez mystérieux et Cosme savait que s'il avait vraiment été contre, il n'aurait jamais accepté d'être son témoin. Ca aussi, c'était tombé sous le sens. C'était son meilleur ami, depuis toujours. Et il le connaissait assez bien pour savoir que l'accompagner aujourd'hui ne devait pas trop l'enchanter. A vrai dire lui non plus n'aimait pas trop les boutiques. Seulement voilà, Maia lui avait rappelé tous les jours depuis deux semaines qu'il devait absolument aller trouver son costume. Il finit par quitter la cabine alors que l'une des jeunes femmes s'occupant de la boutique s'empressa de venir le complimenter et de s'assurer que le costume tombait parfaitement bien sur ses épaules. Elle déroula son mètre ruban et Cosme dut rester immobile, une fois de plus. « Il faudra faire une ou deux retouches, mais il vous va comme un gant, monsieur ! » Il hocha la tête avec un petit sourire avant de tourner la tête vers Dario, assis juste en face. Elle s'empressa de quitter la pièce pour retourner dans sa réserve, laissant les deux hommes seuls. « Je pense que je vais prendre celui-ci. T'en penses quoi, toi ? » Si Dario lui disait qu'il avait l'air d'un clown, il se raviserait probablement. S'il ne savait pas comment était la robe de Maia, elle non plus ne connaîtrait pas totalement sa tenue. Ils s'étaient juste mis d'accord sur un ton pour éviter qu'ils ne déparent trop. Loin de s'imaginer ce qui pouvait se passer dans la tête de son ami, il en profita pour le titiller un peu. « N'oublie pas que c'est ton tour, après. »

Au fond, Dario n'était pas sûr de vouloir vraiment voir Cosme en costume. Mais il était son témoin. C'était son rôle de l'accompagner dans chaque étape jusqu'à l'autel, et il acceptait son calvaire de bonne grâce. Mais quand même. Rien ne l'avait pas préparé au choc qui le saisit quand son ami apparut enfin, vêtu de son costume. Sans qu'il ne l'eut programmé, il se leva brutalement de la banquette. Maia était décidément une fille chanceuse. La mâchoire de Dario se contracta sans qu'il ne le veuille vraiment mais il réussit malgré tout à esquisser un petit sourire. Il s'approcha de son ami et fit mine d'épousseter les épaules du jeune homme, puis s'attaqua à son noeud-papillon. « Laisse-moi voir... Là, c'est mieux. Aucune fille digne de ce nom n'épouserait un garçon qui a le noeud-papillon de travers. » plaisanta-t-il après l'avoir remis droit. Il était à peu près certain que Maia épouserait son ami même si celui-ci entamait subitement une carrière de jongleur unijambiste dans un cirque mongol, mais taquiner Cosme était une habitude trop ancrée pour qu'il puisse s'en débarrasser, même dans un moment aussi important. Ou peut-être était-ce pour se rassurer. Pour se dire que tout serait toujours pareil. Mais au fond de lui, il savait que c'était un tissu de mensonges. Tout allait changer et il devait l'accepter, qu'il le veuille ou non. « Tu vas être le marié le plus élégant de Praiano. » lui assura-t-il en lui serrant légèrement l'épaule. Jusque là, il avait réussi à supporter l'idée du mariage, d'être le témoin, mais tout ça lui apparaissait un peu comme un rêve, quelque chose qui n'allait pas forcément se réaliser. Mais voir Cosme ainsi le rappela brutalement à la réalité. Et la vérité le frappa subitement. Tout ce que son ami plaçait en lui en lui demandant d'être son témoin – la confiance, l'amitié, cette relation qui avait perduré au-delà des années – il les piétinait en mentant. Il n'avait pas le moindre droit d'être ici, en train de donner son avis sur le smoking de son meilleur ami, alors qu'il jouait être à quelqu'un d'autre. « Et je suis le pire ami du monde. » lâcha-t-il en s'écartant, le visage soudain fermé. Dario sentait que toute couleur avait quitté son visage et il se tordit nerveusement les mains. « Cosme, il faut que je te dise quelque chose d'important. Sur ma vie. Parce que ... je ne veux pas que tu aies un menteur pour témoin le jour de ton mariage. » murmura-t-il, peut-être plus pour lui-même que pour son ami. Il ne se souvenait pas avoir été plus sincère avec son meilleur ami qu'à cet instant précis, et l'idée lui pinça le coeur. Il se mordit la lèvre et hésita avant de reprendre. « Tu sais, quand on a toutes ces discussions à propos des filles, et tout ça, quand je ne dis qu'elles ne m'intéressent pas, c'est que... » Il se tut net, de plus en plus mal à l'aise, mais en même temps, étrangement libéré au fur et à mesure que les mot s'échappaient maladroitement de sa bouche. Il n'aurait pas pensé que cet aveu puisse lui ôter un tel poids sur le coeur. Pourtant, l'angoisse sourde qui lui taraudait les entrailles ne le quittait pas, mais puisqu'il s'était lancé, Dario était déterminé à aller jusqu'au bout. « Elles ne m'intéressent vraiment pas. Du tout. » avoua-t-il, enfin. Voilà, c'était dit. Ou presque.

« Laisse-moi voir... Là, c'est mieux. Aucune fille digne de ce nom n'épouserait un garçon qui a le noeud-papillon de travers. » « Heureusement que tu es là pour sauver l'honneur alors ! Je ferai plus attention le jour J… » Apparemment il n'avait pas trop l'air ridicule, sinon Dario aurait déjà réagit en se moquant légèrement de lui. Cosme n'était pas vraiment habitué à porter des costumes. Autant dire que ça contrastait complètement de son uniforme de facteur. « Tu vas être le marié le plus élégant de Praiano. » « Merci c'est gentil.. Mais je pense bien que ça sera Alba la plus belle ce jour là. Je me demande bien quel genre de robe elle a pu choisir. » avait-il répondit, affichant un sourire. Seulement son ami perdit bien vite le sien. Un léger blanc s'installa avant que Dario ne le brise en déclarant : « Et je suis le pire ami du monde. » Mais qu'est-ce qu'il lui arrivait ? Pourquoi disait-il ça ? « Bien sur que non, ne dis pas de bêtise. » Les sourcils arqués par l'étonnement, il finit par reprendre la parole. « Cosme, il faut que je te dise quelque chose d'important. Sur ma vie. Parce que ... je ne veux pas que tu aies un menteur pour témoin le jour de ton mariage. » Pas vraiment rassuré, Cosme était déjà en train de s'imaginer un tas de scénario. Un menteur ? Qu'avait-il fait ? Est-ce que ça avait un rapport avec Alba ? Il s'attendait vraiment au pire, vu l'air grave de Dario. Il l'avait rarement vu tirer cette tête. « Tu sais, quand on a toutes ces discussions à propos des filles, et tout ça, quand je ne dis qu'elles ne m'intéressent pas, c'est que... Elles ne m'intéressent vraiment pas. Du tout. » « Oh. » Il aurait pu faire l'idiot ou celui qui ne comprenait pas mais il avait très bien compris. Ce qui le chagrinait dans le fond, c'est qu'il n'ait pas osé lui dire plus tôt. De quoi avait-il peur ? Dario était comme un frère pour lui, jamais il ne l'aurait juger ou rejeter. Il était l'un de ses amis les plus précieux. Il se sentait vraiment bête maintenant. Il se disait que contrairement à lui Dario ne voulait pas s'engager dans une relation, qu'il était plutôt du genre solitaire. Clairement Cosme s'était un peu voilé la face sans trop savoir pourquoi, peut-être parce qu'il s'était dit que même si Dario n'était pas vraiment pour le mariage, il n'était pas vraiment contre non plus, et peut-être parce qu'il avait imaginé le genre de fille qu'il aurait épouser à son tour, tôt ou tard, et qui l'aurait pousser à s'engager pour la vie. Il s'était imaginé que les rôles seraient inversés, que Cosme devrait épauler Dario dans des préparatifs sans fin. Après cette révélation à demi-mots, il ne savait vraiment plus quoi penser. Pourtant, li n'était pas vraiment choqué, peut-être un peu surpris mais avec du recul, ça coulait de source. Il glissa les mains dans les poches, cherchant ce qu'il pouvait répondre à son aveu. Il aurait pu virer au rouge mais à quoi bon ? Il acceptait son ami tel qu'il était. Il doit sans doute redouter le regard des autres. A cet instant précis, Dario n'avait pas besoin qu'on lui fasse des reproches, mais qu'on l'épaule. L'amitié, c'était ça. « J'ai été bête de penser le contraire. Je suis désolé pour toutes ces fois où j'ai pu te mettre mal à l'aise. » C'est vrai que Cosme a souvent du le mettre dans l'embarras. « Dis moi juste que je ne suis pas le dernier à être mis au courant. » Si c'était le cas, Cosme le prendrait un peu mal, sans doute. Quand bien même ce serait le cas… il ne se résignerait pas à l'idée de tourner le dos à Dario. Avec le mariage qui approche, il avait réalisé à quel point sa famille et ses proches pouvaient compter.